J'adore le foie gras...
Je vous l'avoue bien volontiers, j'adore le foie gras, la texture, le gout, le coté festif, tout me plait. J'adore en manger, et
en faire, et surtout manger en famille, pour les fêtes, celui que j'ai fait.
...mais j'ai des états d'âme
Bien sur quand je déballe mon foie cru pour le préparer je ne suis pas naïf, je sais bien que pour obtenir ce beau gros foie le canard ou l'oie ont été gavés, et que ce n'est guère éthique.
C'est certes un peu facile à dire, mais ça me pose un problème ce gavage, alors je fais tout ce que je peux pour essayer de limiter son impact, en n'achetant que des foies de la meilleure qualité possible, label rouge en particulier, ceux dont l'origine est certifié, et dont on voit commencer a apparaitre sur les étiquettes des mentions concernant la façon dont sont traités les animaux. Je fais tout pour essayer d'éviter ces élevages-gavages en batteries, dont les images obtenues en caméra cachée sont épouvantables.
Je me donne bonne conscience me direz vous, et bien sur vous aurez raison, en considérant ça comme une sorte de mal inévitable.
Je savais déjà que naturellement les oies se "gavent" toutes seules à l'entrée de l'hiver, en augmentant le volume de ce qu'elles mangent pour constituer des réserves, et que c'est ce processus là qui est accentué par le gavage, un procédé qui remonte aux égyptiens, qui l'auraient appris des hébreux.
Eduardo et ses oies
J'en était là jusqu'à ce que j'entende parler, merci Alison, de Eduardo Sousa.
Eduardo est un fermier espagnol qui élève des oies dans l'
Estremadura espagnole. Les oies sont en semi-liberté et nourries avec ce que la ferme produit ou dispose : des glands, des olives, des graines, des céréales, etc.
Dans sa ferme on produit avec les oies un foie gras naturel, sans gavage, en jouant seulement sur leur propension à se nourrir plus à l'entrée de l'hiver, à ce moment là on leur donne à manger autant qu'elles veulent.
Donc le principe est incroyablement simple : avant l'arrivée du froid de l'hiver, on donne aux oies autant de nourriture qu'elles veulent, elles se gavent toutes seules (je ne sais pas si le terme "gaver" est bien approprié là, mais bon) leur foie grossi, et après abattage, avec leur foie, on fait du foie gras.
Bien sur avec ce procédé il n'obtient pas des foies aussi gros qu'avec le gavage, ils sont plus petits (200-250g contre 400 en moyenne), mais parait-il (voir plus bas) plus gouteux. De plus comme les oies ne mangent pas de maïs, les foies sont, ou plutôt étaient, gris. Ça ne change rien au gout, mais c'est un peu moins agréable à l'œil, pour compenser ça il a planté du lupin jaune et les oies en mangent, ce qui colore leur foie dans cette délicate teinte jaune si appréciée.
La démarche ne s'arrête pas là, pour faire du foie gras, c'est le foie des oies, sel, poivre, cuisson et c'est tout, ni alcool ni épices ajoutés.
Qu'est-ce que ça donne au gout ? Impossible de vous répondre, je n'ai pas (encore ?) gouté, mais sachez que en 2006, Eduardo a gagné le très convoité prix "Coup de cœur" du salon international de l'alimentation de Paris, ce qui en fait de facto le meilleur foie gras du monde, excusez du peu.
Notez que les producteurs français ont été pathétiquement pinailleurs, essayant d'argumenter que ce ne sont pas des foies gras vu leur poids.
Dan Barber, un chef américain, qui a fait
un exposé à propos d'Eduardo sur TED, raconte que c'est assez incroyable : on sent en en mangeant des arômes et des gouts qui seraient logiques si on y avait ajouté tel ou tel épices, et pourtant ce n'est pas le cas. Il raconte ainsi qu'il était prêt a parier qu'il y avait de l'anis, il sentait distinctement le gout, et pourtant non.
On peut en manger ?
De ce que j'en trouve sur Internet, de toutes façons il est quasiment impossible d'en avoir, tout étant acheté, préempté même, par les gens très très riches (émirs du golfe, maison-blanche, etc.)
Mais il y a de l'espoir quand même, Eduardo s'est associé avec un français Diego Labourdette pour produire, selon la même méthode, dans le sud-ouest français. On est pas prêts d'en voir en supermarché, bien sur, mais au moins on pourra en commander...
Quelques liens :
Le site de la ferme d'Eduardo :
www.lapateria.euLe site de la ferme commune avec Diego Labourdette :
sousa-labourdette.comLa conférence de Dan Barber :
En Anglais sous-titré en Français