Qu'est-ce qu'il y a dans le pain ?
Commençons par l'essentiel, pour du pain classique, qu'on appelle improprement "du pain blanc", de la baguette par exemple, c'est extrêmement simple il ne peut/doit y avoir que 4 choses : de la
farine, de l'eau, un peu de
sel, et un pouillème de
levure ou du
levain, ou parfois des deux. Point !
Tout le reste : adjuvant, améliorant, exhausteur de gout, correcteur, etc. c'est de la chimie, des "béquilles" disent les boulangers, ajouts qui ne sont là pour les mauvais boulangers ou l'industrie agro-alimentaire, où les deux, et qui n'ont rien à faire dans un bon pain de qualité.
Je détaille un peu : La farine contient principalement de l'amidon (un sucre), beaucoup, et du gluten (une protéine), assez peu.
Que se passe t-il ?
Dès que le boulanger mélange l'eau, la farine, et la levure/levain, ça démarre, un mécanisme complexe se met en route, et qui va aboutir au petit miracle journalier du pain croustillant.
1) D'un coté, la levure ou le levain, des champignons microscopiques, vont s'attaquer à l'amidon, et produire du gaz carbonique, le CO
2 et de l'alcool.
C'est
la fermentation dite alcoolique, la même que dans le vin et la bière, mais pas de soucis avec l'alcool, il va disparaitre à la cuisson (à 250°C).
2) D'un autre coté,
le pétrissage de la future pâte agit mécaniquement sur son gluten, petit à petit cette protéine se structure en réseau, et forme ainsi une pâte assez élastique, qui est du coup capable de retenir le CO
2 produit par la fermentation.
C'est ce CO
2, piégé par le réseau, qui ne peut pas sortir et qui forme des bulles dans la pâte, bulles qui deviendront des alvéoles dans le pain une fois cuit.
On dit que la pâte est structurée ou "qu'on a du réseau" quand le pétrissage est terminé, moment pas si facile que ça à déterminer.
Vous voyez que c'est un duo d'action, l'un sans l'autre, ne donnerait pas de bon pain :
- Pas de fermentation => pas de CO
2=> pâte plate et dure => pain immangeable.
- Pas de réseau de gluten => le CO
2 de la fermentation s'échappe car il n'est pas retenu => pâte plate et dure => pain tout aussi immangeable.
La pâte ainsi bien pétrie et levée est mise à cuire au four, vers 250°C, l’alcool est rapidement éliminée, la cuisson au début accélère un peu la production de CO
2 de la levure, la pâte lève encore, puis la cuisson commence vraiment et fige tout.
Les bulles sont cuites, forment la mie aérée, et la croute dore sous l'action des célèbres
réactions de Maillard.
Et au final on défourne un croustillant pain doré dont l'odeur délicieuse se répand tout autour du four.
C'est tout ?
Et bien dans les grandes lignes oui, globalement tout est là, mais c'est toute la difficulté du métier de boulanger de gérer ces 2 aspects de fermentation et pétrissage, puis la cuisson, pour vous faire, régulièrement, un bon pain.
Quelques points de détails
- Le réseau de gluten, c'est ce qui fait que un pain sans gluten est très difficile à faire, ce n'est pas vraiment du pain diront certains, c'est impossible diront d'autres, car il faut réussir à imiter un réseau pour piéger le CO
2, soit en ajoutant un liant (bof !) soit en moulant la pâte, un peu comme un gâteau, soit les deux. C'est pour ça que les pains sans gluten ont plutôt un aspect de cake que de pain.
Il faut aussi noter que le gluten de maintenant est très différent de celui d'il y a à peine 50 ans, le péché originel vient des années 70 où on s'est mis à faire du pain, de plus en plus vite, de plus en plus blanc et de plus en plus fadasse, et donc a augmenter le taux de gluten des farines, et a en plus sélectionner des blés courts sur pattes, de plus en riches en un gluten de plus en plus costaud. C'est sans doute là, mais c'est un avis personnel, qu'est la principale cause des nombreux problèmes liés au gluten de notre époque, un gluten qui est bien moins digestible "qu'avant".
Une dernière info sur le gluten, les pains au levain, outre leur gout extraordinaire et leurs avantages nutritionnels, et en partie grâce à leurs temps de fermentation longs, voire très longs, ces pains au levain donc, favorisent la digestibilité du gluten.
Dit autrement, si vous avez des problèmes avec le gluten dans votre alimentation de tous les jours, essayez du pain au levain (de qualité).
- Le duo fermentation-pétrissage ne s'applique pas qu'au pain, mais aussi à la
viennoiserie (brioche, croissants,...) aux
pizzas, et en fait à toutes les pâtes dites "fermentées" justement, c'est la frontière entre la boulangerie et la pâtisserie.
Respectus panis
Si on ne pétrit pas la pâte, pas de réseau de gluten vous l'aurez compris, mais il y a une autre alternative qui est le temps : Si on ne fait que mélanger les ingrédients, 1 ou 2 minutes maximum, et qu'on laisse la pâte très longtemps (18 à 20h) aux alentours de 16°C avec très très peu de levure/levain et moins de sel, le réseau va quand même se constituer tout seul, très lentement, mais surement. "Time is on my side", si vous avez la ref Stones...
Cette méthode appelée "Respectus panis", un long acronyme, est en devenir chez les bons boulangers, ce long repos est en plus l'assurance de gouts très développés dans le pain ainsi traité, qui est juste excellent, et qui semble en plus être mieux toléré par celles et ceux qui ont des problèmes avec le gluten. Mais voilà, c'est du temps, beaucoup de temps, et une certaine maitrise boulangère pour réussir ce genre de pain.
En résumé : Le pain c'est un duo d'action, le pétrissage (1) pour constituer le réseau de gluten, qui va piéger le CO
2 issu de la fermentation (2).
Les 1 commentaire déjà posté sur cette page :