On a donc ainsi pu voir Michel-Edouard Leclerc (MEL pour les connaisseurs) courir les plateaux de télévision pour dérouler son petit discours bien préparé, et se draper, la main sur le cœur, dans son costume favori de défenseur du pouvoir d'achat des français : "Nous on pense au consommateur avant tout, et ce que veut le consommateur ce sont prix toujours plus bas".
Ben voyons...
Une main sur le cœur, et l'autre dans le tiroir-caisse ajoute fort justement Thierry Marx.
C'est toujours amusant de voir des pontes de la grande distribution, grands étrangleurs de fournisseurs, d'agriculteurs, de producteurs et d’artisans, se poser en défenseur du pouvoir d'achat, des bons produits pas chers, mais payés au juste prix.
Voici quelques remarques et précisions pour vous aider à vous faire une idée :

- À 29 centimes pièce, disons le tout net, ce n'est pas de la baguette, c'est un bout de pâte, poussé à toute vitesse, mal cuit, bourré d'additifs, et emballé dans du plastique. Un vrai boulanger aurait honte de produire un truc aussi insipide, et vous dirait brutalement "C'est de la merde".
- À 29 centimes, le lendemain selon le temps qu'il a fait, vous pourrez soit caler votre voiture avec cette pseudo baguette, soit faire un nœud avec.
- À 29 centimes, ce n'est pas une baguette, c'est surtout un produit d'appel avec lequel Leclerc ne gagne (pratiquement) rien, mais il espère bien que les gens viendront pour ça et achèterons d'autres choses, où sa marge est bien plus importante (du bio par exemple).
- Pour produire à 29 centimes, il vont mettre une grosse pression sur les minotiers, qui la mettrons forcément sur les paysans, et tout le monde sera tiré vers le bas, sauf le chiffre d’affaire de Leclerc
- Pour produire à ce prix, il faut tirer sur tout : la qualité de la farine, l'énergie consommée, et bien sur le salaire des employés.
- Non content de donner un pain insipide, tout ceci va impacter les cultures de blés qui seront poussées vers toujours plus de rendement, et donc plus d'engrais et de pesticides.
- Ces farines de mauvaise qualité pour faire du pain avec, il faut surcharger en levure pour qu'elles veuillent bien gonfler, et surcharger en sel pour essayer d'avoir un semblant de gout.
- Et enfin, cet argument du low-cost qui serait une nécessité pour les gens les moins à l'aise, n'est qu'une chimère qui profite aux plus riches des grands groupes, leur permettant de gratter, écrêter et de tirer vers le bas, encore plus bas, toujours plus bas.
Bon tout ceci étant posé, il faut essayer d'être un peu objectif, l'inflation galope et il y a une frange de la population en France, de + en + importante, pour qui 1 ct c'est un 1 ct, qui sont en difficultés financières dès le 10 du mois, et eux sont et seront toujours sensibles à ce genre d'accroche, même si en consommant ce genre de produit, et c'est une tragédie, ils ne font pas du bien à leur santé.
Le juste prix de la baguette
Vous vous demandez peut-être du coup quel devrait être le juste prix pour une baguette ? Eh bien ça dépend de quelle baguette on parle avant tout.
Je vous ai déjà parlé dans un précédent article de la différence entre "baguette" et "baguette de tradition", j'avais insisté sur tout l’intérêt qu'il y a a privilégier la baguette de tradition, c'est encore plus vrai avec cette affaire.
La baguette à 29 cts, c'est bien entendu une baguette ordinaire, dite "blanche", tragique héritage des années 70 et de l'arrivée du pain intensif, à fuir si vous le pouvez.
Une vraie baguette c'est une baguette de tradition aux farines de qualité, sélectionnées, et sans additif. Tout son gout vient du savoir faire de votre boulanger, et du long temps de fermentation qu'il fait faire à sa pâte.

Cette baguette là, n'est rentable pour le boulanger qu'aux alentour de 1 €, mais c'est un prix qu'il faut accepter de payer, pour un produit de qualité qui rémunère correctement le travail fait et le savoir-faire.
En résumé : Cette histoire de baguette à 29 cts est une honteuse opération commerciale, qui sous couvert de défense des consommateurs, est uniquement destinée à faire une publicité gratuite à la fabrication d'un très mauvais produit, indigne d'un bon boulanger.
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